RDV-I Ne pas se toucher.



Ne pas se toucher

1-Selon ses instructions, j’arrivai à l’hôtel à vingt-deux heures trente. Devant la glace livide de l’ascenseur, j’arrangeai ma toilette et mes tifs. Voilà un an jour pour jour que nous nous sommes rencontrés sur Skype. Une année durant laquelle, nous n’avons fait que correspondre, ou l’échange des mots a mis nos consciences à nu et nos intentions à vifs. La chambre devrait, comme nous l’avions convenu, être plongée dans la pénombre. L’ascenseur stoppa, je me retournai, les portes s’ouvrirent, sur un couloir rouge, légèrement et chaleureusement éclairci par des appliques jaunes. Sur le mur en face de moi, une plaque dorée, fléchait les numéros de chambre, les 50 à 54 à gauche, les 55 à 59 à droite. Tout en me dirigeant vers le nombre 58, j’ouïs un léger son de télé, ce qui me fit penser, que les chambres d’hôtel ne sont jamais totalement insonorisées.

2-Je me suis apprêté avec minutie. Néanmoins, je me perçus moins en splendeur que n’importe quelle autre journée, ou je ne me tracasse point de mon aspect. Il était trop tard pour savoir si je m’apparentais ou pas, à un croque-mitaine. Je progressai dans le corridor couleur de feu, arriva devant une porte en chêne sombre, ployai ma main droite et de la pointe des phalanges donnai trois coups secs sur le bois. Je prêtai l’oreille et entendis ses pas, elle ouvrit largement, en se maintenant en retrait dans l’obscurité. Une aurore venant du fond de la chambre, l’éclairait par-l’arrière, dessinant une silhouette obscure. Nous demeurâmes un long instant, les yeux dans les yeux, je ne distinguai qu’eux, je m’y cramponnai. J’atteignis, la frontière de la désolation pour elle. Je flairai son parfum, humai son corps et son visage, sans même les apercevoir, je les sentis. Cela me suffit.

3-Un émoi me saisit au gosier et à ma virilité. Comme je cheminai dans sa direction, elle recula et se dissimula derrière la porte. Après l’avoir fermé, elle fit un pas vers moi et stoppa. Tant mon squelette éprouvait l’attraction du sien, il me parut que mon envie d’elle, allait m’écorcher à vif. Je ne pus me retenir, je me mis en mouvement, elle s’immobilisa et me dit : « soit patient » en récidivant plus lentement « soit patient ». Ce fut la première fois que j’entendis sa voix chaude, ferme et profonde. Elle alla vers la fenêtre, prés du guéridon sur lequel rayonnait la veilleuse. Je pensai qu’elle allait me proposer une boisson fraîche. Mais, elle débuta par ouvrir sa chemisette, de haut en bas. Bouton après bouton, la peau et sa poitrine apparurent dans l’entre-bâillement de son vêtement qu’elle défait avec lenteur, élégance, sensualité et séduction.

4-Un dessus de lit en satin bleu indigo, coulait de la tête au pied du plumard. Je me déplaçai jusque-là, sans traverser la couche à l’opposé de laquelle elle poursuivait son déshabillement. Comme dans mon fantasme, je vis apparaître ses épaules, sa poitrine soutenue par un soutien-gorge Strappy bra sexy, son ventre nivelé avec un piercing au nombril, ses bras et sa peau d’un magnifique éclat. Elle se mit à défaire la cordelière de sa jupe culotte, le souffle court, le sexe en érection, je me déshabillai aussi, en contenant mes piaillements. J’ôtai mon T-shirt en le passant rapidement par-dessus la tête pour ne pas perdre une miette de sa délicieuse prestation. Comment ne pas aimer, chérir et adorer un tel spectacle ? qui fit naître et accroitre en moi un désir intensif.

5-Cette femme pensai-je, «je vais la posséder ». J’ai fréquemment perdu espoir, appréhendé que la vie qui nous éloignait ne nous divisa pour toujours, avant même que j’ai eu la possibilité de la caresser. Je la nomma par son prénom, elle progressa vers moi, ouvrit le lit et m’ordonna de m’y allonger. Je tentai de l’embarquer avec moi sur le plumard, mais elle ne voulut pas que je la touche. « La prochaine fois, m’a-t-elle dit. La première nuitée, il ne faut pas se peloter ». Elle alla chercher des couvertures dans le placard mural, les plia et les arrangea sur le sol à coté du lit, pour y roupiller. A chacun de ses mouvements, je percevais son parfum et l’odeur de son corps désireux et profondément sanctionné. Je convoitai le désir de la serrer dans mes membres supérieurs, de l’embrasser, de la caresser, et la posséder sexuellement.

6-Je lui allouai un polochon, collaborai à préparer sa litière de fortune, rien que pour gambiller avec elle une chorégraphie de ne-me-touche-pas. J’aurais pu effleurer son épiderme tout en manœuvrant à ses côtés, mais je préférai préserver notre accord. Je me saisis du couvre lit de satin bleu, et l’installai sur ses couvrantes, afin de lui faire une couche plus agréable. J’aurais désiré, me transformer en jeté de lit, comme cela, elle dormirai sur moi, se tournerai et retournerai de tout son corps en peine d’amour. Je m’assis sur le rebord du lit, finis par me dévêtir lentement. Elle était accroupie à mes pieds, le visage à hauteur de mon sexe en érection. Elle refusa mes caresses, ne voulut pas me caresser, ni se caresser elle-même pour moi. Elle se leva, alla éteindre la lumière, je vis toute sa chair interdite et insoutenablement tentante traverser les ombres sans venir me rejoindre.
7- « Pas la première nuit » pensai-je, en ramenant le drap sur mon corps nu, en me mettant en boule pour dormir. Dans le silence, je percevais sa respiration, je retenais même la mienne pour mieux l’entendre. Elle se tournait et se retournait sur sa couche. Je fus pris de bouffée de chaleur et des mains et des pieds, je repoussai le drap au fond au fond du lit. Des phrases à peine conçues dans mon esprit, s’évanouissaient dans l’espace infini de mon amour et s’enroulaient sur la corde de mon désir tendu. Replié en chien de fusil, adoptant une respiration régulière, j’écoutais son souffle de dormeuse, j’étais bien et finis par m’endormir. Voilà ce que fit notre RDV-I.



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